Interventions de l'initiateur sur le marché et prix d'offre publique
Aspects de droit comparé franco-espagnol
Bulletin Joly Bourse n.3/97 Mai-Juin 1997 |
Étude sur l'étendue de la liberté d'intervention de l'initiateur sur le marché des titres concernés par l'offre et les conséquences de ces interventions sur le prix d'offre
Pierre Alfredo
Docteur en droit
Avocat au barreau de Montpellier
Maître de conférences à l'université de Paris XII
1. Introduction. En cours de procédure d'offre publique, les interventions de l'initiateur sur le marché des titres concernés par l'offre, font l'objet d'une attention particulière.
A la recherche d'un précaire équilibre entre les principes de liberté de l'initiateur et d'égalité des actionnaires, le droit boursier entend contrôler les influences sur le prix d'offre, de transactions réalisées sur le marché en cours d'offre, au prix fixé par le fonctionnement normal du marché.
La liberté souhaitée menace en effet le principe d'égalité entre les actionnaires de la cible qui, à situations identiques, vont traiter à des prix différents selon qu'ils cèdent à l'initiateur sur le marché ou dans la procédure d'offre publique. C'est le principe d'unité de prix qui est alors en cause.
Celui d'irrévocabilité de l'offre est également affecté par le phénomène ; l'initiateur, par ses interventions sur le marché, influe sur le cours des titres concernés et donc, indirectement, sur les conditions essentielles des termes de son offre.
2. La confrontation des droits français et espagnol nous a semblé pouvoir éclairer utilement la réflexion sur le problème.
L'attitude des autorités de marché n'est pas sans ambigüités, et les scrupules à interdire, comme les décisions de le faire, différents selon les législateurs, nous enseignent combien la matière est délicate.
Même lorsque les deux droits convergent, une façon différente de l'exprimer, révèle parfois que nul n'est dupe d'une certaine duplicité.
Veut-on, en période d'OPA, figer les situations et empêcher le marché de fonctionner, ou bien plutôt le laisser s'exprimer pleinement ? Dans ce dernier cas, est-ce le souci de liberté contractuelle qui anime ou celui de maitriser les opérations sur un marché réglementé, en sorte que la liberté devient obligation ? Lorsque la liberté est accordée, vient-on ensuite seulement en corriger les effets sur le prix d'offre pour préserver un principe d'égalité, ou cherche-t-on ainsi à dissuader d'interventions qu'à la vérité l'on tient pour suspectes ?
3. La liberté d'intervention de l'initiateur sur le marché des titres concernés par l'offre sera d'abord mesurée (I) afin d'en mieux décrire ensuite les conséquences au regard du prix de l'offre (II).
A la recherche d'un précaire équilibre entre les principes de liberté de l'initiateur et d'égalité des actionnaires, le droit boursier entend contrôler les influences sur le prix d'offre, de transactions réalisées sur le marché en cours d'offre, au prix fixé par le fonctionnement normal du marché.
La liberté souhaitée menace en effet le principe d'égalité entre les actionnaires de la cible qui, à situations identiques, vont traiter à des prix différents selon qu'ils cèdent à l'initiateur sur le marché ou dans la procédure d'offre publique. C'est le principe d'unité de prix qui est alors en cause.
Celui d'irrévocabilité de l'offre est également affecté par le phénomène ; l'initiateur, par ses interventions sur le marché, influe sur le cours des titres concernés et donc, indirectement, sur les conditions essentielles des termes de son offre.
2. La confrontation des droits français et espagnol nous a semblé pouvoir éclairer utilement la réflexion sur le problème.
L'attitude des autorités de marché n'est pas sans ambigüités, et les scrupules à interdire, comme les décisions de le faire, différents selon les législateurs, nous enseignent combien la matière est délicate.
Même lorsque les deux droits convergent, une façon différente de l'exprimer, révèle parfois que nul n'est dupe d'une certaine duplicité.
Veut-on, en période d'OPA, figer les situations et empêcher le marché de fonctionner, ou bien plutôt le laisser s'exprimer pleinement ? Dans ce dernier cas, est-ce le souci de liberté contractuelle qui anime ou celui de maitriser les opérations sur un marché réglementé, en sorte que la liberté devient obligation ? Lorsque la liberté est accordée, vient-on ensuite seulement en corriger les effets sur le prix d'offre pour préserver un principe d'égalité, ou cherche-t-on ainsi à dissuader d'interventions qu'à la vérité l'on tient pour suspectes ?
3. La liberté d'intervention de l'initiateur sur le marché des titres concernés par l'offre sera d'abord mesurée (I) afin d'en mieux décrire ensuite les conséquences au regard du prix de l'offre (II).
4. Le regard porté sur les interventions de l'initiateur diffère bien entendu selon que l'on se situe avant (A) ou après (B) l'information du public.
5. Les droits français et espagnol «suppriment» le marché des titres de la cible, en suspendant leur cotation entre la date de dépôt du projet d'offre auprès des autorités boursières 1et celle de la publicité suivant la décision de celles-ci sur sa recevabilité.
6. L'article 5-2-1 alinéa 2 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs (ci-après RGCBV) 2dispose : "dès que le Conseil est saisi du projet, la Société des bourses françaises suspend la cotation des titres de la ou des sociétés concernées". L'article 5-2-8 ajoute : "la reprise des cotations des titres de la ou des sociétés concernées intervient en principe deux jours de bourse après la publication de l'avis de recevabilité", laquelle doit intervenir au terme du délai des cinq jours de bourse qui suivent le jour de dépôt du dossier produit par l'initiateur à l'appui de son projet d'offre publique.
Pendant ces jours de bourse, toute intervention sur le marché des titres de la cible est donc impossible pour l'initiateur comme pour les tiers. Mais il faut observer que la "période d'offre publique", aux termes du troisième alinéa de l'article 5-2-1 du RGCBV ne commencera qu'avec la publication de l'avis de recevabilité, et que ce qui est appelé la "durée de l'offre" ne commencera qu'après la publication, ou plus précisément, la prise d'effet de l'avis d'ouverture de l'offre 3.
7. L'article 13-1 du décret-royal du 26 juillet 1991 prévoit également que dès réception de la demande d'autorisation, la Commission Nationale du Marché des Valeurs "accordera la suspension conservatoire de la négociation boursière des valeurs affectées par l'offre".
Le mot "accordera" ne doit pas créer d'ambigüité 4car, comme il en est en France 5, l'autorité de marché est tenue de prononcer la suspension de la cote, sans qu'elle dispose du moindre pouvoir d'appréciation 6.
La précision n'est pas inutile lorsque l'on sait que sous le régime antérieur résultant du décret-royal de 1984, les chambres syndicales (juntas sindicales de las bolsas) puis la CNMV après leur disparition, pouvaient apprécier l'opportunité de la suspension en fonction des circonstances, bien qu'en pratique elles l'aient systématiquement prononcée.
L'article 13-4 du décret-royal dispose que la suspension de la cotation cessera le jour suivant la publication de l'un des avis de l'offre prévus à l'article 18 (publication de l'offre à laquelle procède en Espagne l'initiateur lui-même) ou lorsque la CNMV en décidera.
8. Depuis le décret-royal du 26 juillet 1991, et contrairement à ce qu'il en était auparavant, en droit espagnol, la suspension de la cotation n'empêche cependant pas des opérations sur les titres de la cible. Elles s'effectueront donc hors marché. L'article 13-3 du décret-royal impose cependant aux "sociétés et agents de valeurs et (aux) officiers publics (fedatarios públicos)" qui sont intervenus pour la réalisation de ces opérations, de les porter à la connaissance des sociétés rectrices des bourses dont ils sont membres ou de leur Ordre selon le cas 7, au plus tard le jour suivant celui où l'opération a été réalisée. Ces organes doivent à leur tour communiquer l'information à la CNMV dans un délai de deux jours 8.
6. L'article 5-2-1 alinéa 2 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs (ci-après RGCBV) 2dispose : "dès que le Conseil est saisi du projet, la Société des bourses françaises suspend la cotation des titres de la ou des sociétés concernées". L'article 5-2-8 ajoute : "la reprise des cotations des titres de la ou des sociétés concernées intervient en principe deux jours de bourse après la publication de l'avis de recevabilité", laquelle doit intervenir au terme du délai des cinq jours de bourse qui suivent le jour de dépôt du dossier produit par l'initiateur à l'appui de son projet d'offre publique.
Pendant ces jours de bourse, toute intervention sur le marché des titres de la cible est donc impossible pour l'initiateur comme pour les tiers. Mais il faut observer que la "période d'offre publique", aux termes du troisième alinéa de l'article 5-2-1 du RGCBV ne commencera qu'avec la publication de l'avis de recevabilité, et que ce qui est appelé la "durée de l'offre" ne commencera qu'après la publication, ou plus précisément, la prise d'effet de l'avis d'ouverture de l'offre 3.
7. L'article 13-1 du décret-royal du 26 juillet 1991 prévoit également que dès réception de la demande d'autorisation, la Commission Nationale du Marché des Valeurs "accordera la suspension conservatoire de la négociation boursière des valeurs affectées par l'offre".
Le mot "accordera" ne doit pas créer d'ambigüité 4car, comme il en est en France 5, l'autorité de marché est tenue de prononcer la suspension de la cote, sans qu'elle dispose du moindre pouvoir d'appréciation 6.
La précision n'est pas inutile lorsque l'on sait que sous le régime antérieur résultant du décret-royal de 1984, les chambres syndicales (juntas sindicales de las bolsas) puis la CNMV après leur disparition, pouvaient apprécier l'opportunité de la suspension en fonction des circonstances, bien qu'en pratique elles l'aient systématiquement prononcée.
L'article 13-4 du décret-royal dispose que la suspension de la cotation cessera le jour suivant la publication de l'un des avis de l'offre prévus à l'article 18 (publication de l'offre à laquelle procède en Espagne l'initiateur lui-même) ou lorsque la CNMV en décidera.
8. Depuis le décret-royal du 26 juillet 1991, et contrairement à ce qu'il en était auparavant, en droit espagnol, la suspension de la cotation n'empêche cependant pas des opérations sur les titres de la cible. Elles s'effectueront donc hors marché. L'article 13-3 du décret-royal impose cependant aux "sociétés et agents de valeurs et (aux) officiers publics (fedatarios públicos)" qui sont intervenus pour la réalisation de ces opérations, de les porter à la connaissance des sociétés rectrices des bourses dont ils sont membres ou de leur Ordre selon le cas 7, au plus tard le jour suivant celui où l'opération a été réalisée. Ces organes doivent à leur tour communiquer l'information à la CNMV dans un délai de deux jours 8.
9. La période d'offre commencera donc en France par la publication de l'avis de recevabilité du Conseil et en Espagne par l'offre au public faite par l'initiateur lui-même, avec lesquelles, en principe, reprendra la cotation des titres de la cible. Cette période prend fin avec la publication du résultat de l'offre 9.
Le marché étant désormais ouvert à nouveau sur ces titres, il convient d'examiner les conditions dans lesquelles l'initiateur pourra y intervenir pendant la période de son offre publique.
Dans certaines hypothèses, il est ouvertement interdit à l'initiateur d'intervenir sur le marché des titres concernés par l'offre (a). Dans les hypothèses où la liberté d'intervention est le principe, elle connait encore des limites (b).
Le marché étant désormais ouvert à nouveau sur ces titres, il convient d'examiner les conditions dans lesquelles l'initiateur pourra y intervenir pendant la période de son offre publique.
Dans certaines hypothèses, il est ouvertement interdit à l'initiateur d'intervenir sur le marché des titres concernés par l'offre (a). Dans les hypothèses où la liberté d'intervention est le principe, elle connait encore des limites (b).
10. C'est lorsque la contrepartie proposée par l'initiateur aux destinataires de son offre est constituée de titres, même en partie (1), que ses interventions sur le marché sont susceptibles de modifier les termes de son offre ; mais des interdictions d'intervenir sur le marché affectent aussi l'initiateur qui propose une contrepartie en espèces (2).
11. Lorsque l'offre publique est d'échange et non d'achat, il est interdit à l'initiateur d'intervenir sur le marché des titres de la cible. (art. 5-2-27 du RGCBV 10et art. 23-1 du décret-royal).
12. Lorsque la contrepartie offerte est mixte, le texte espagnol interdit encore expressément les interventions de l'initiateur sur le marché des titres de la cible.
13. Le droit français ne comporte pas de disposition spécifique à l'offre mixte, et l'article 5-2-27 du RGCBV, contrairement à son correspondant espagnol, ne vise que les seules offres d'échange, ou plus précisément, se trouve dans un paragraphe intitulé "Dispositions particulières aux offres publiques d'échange".
La disposition générale de l'article 5-2-4 trouve donc à s'appliquer. Elle dispose que lorsque l'offre initiale est une offre mixte, que ce soit parce qu'elle est alternative d'achat ou d'échange ou qu'il s'agisse d'une offre partie en titres partie en espèces, le caractère principal donné à l'opération déterminera l'application selon le cas des règles particulières applicables aux offres publiques d'achat ou de celles applicables aux offres publiques d'échange 11.
14. Le professeur VIANDIER en conclut 12que lorsqu'une offre d'achat est assortie d'une option subsidiaire d'échange, c'est bien le régime de l'offre publique d'achat qui s'applique, l'initiateur pouvant alors intervenir sur le marché des titres de la cible ou de ceux offerts en échange.
Mais la même solution semble devoir s'imposer en cas d'offre d'achat avec règlement partiel en titres.
15. Comme on a pu regretter l'absence de cohérence du droit espagnol qui autorise les interventions sur le marché des titres offerts en échange alors qu'il les interdit sur ceux visés par l'offre 13, on peut faire la même observation lorsque le droit français n'interdit les interventions sur le marché des titres de la cible et celui de ceux offerts en échange, que lorsque l'initiateur a donné à son offre mixte le caractère principal d'offre publique d'échange.
En effet, la mesure d'interdiction trouve sa justification dans le fait que l'intervention sur les titres concernés par l'offre en modifierait le prix sur le marché et altèrerait en conséquence la parité d'échange proposée.
Ce faisant, on peut considérer que c'est la contrepartie proposée elle-même qui serait modifiée par l'initiateur, puisque son offre est davantage faite d'une parité que d'un titre. Plus précisément, la contrepartie offerte n'est pas tant la valeur intrinsèque du titre proposé en échange que sa valeur relative proportionnelle à celle du titre visé.
Or, celle-ci pourrait se trouver diminuée par l'intervention de l'initiateur sur le marché alors cependant qu'il lui est interdit de modifier son offre à la baisse, qu'elle soit d'achat ou d'échange 14, conformément au principe d'irrévocabilité de l'offre publique.
Cette conséquence des interventions sur le marché est pourtant la même que l'on intervienne sur les titres offerts ou sur les titres visés, puisque ce qui importe n'est pas le cours des uns ou des autres mais le rapport existant entre eux.
De même en est-il dans l'hypothèse où les destinataires d'une offre alternative acceptent le titre offert en échange ou encore en cas d'offre partie en titres partie en espèces.
16. Par ailleurs, l'interdiction concerne en France l'initiateur "ainsi que les personnes qui agissent de concert avec lui" (article 5-2-27).
L'article 23-1 du décret-royal ne fait pas mention des personnes agissant de concert avec l'initiateur, mais seulement de celui-ci.
Certains auteurs remarquent que l'article 23-3 vise les acquisitions directes ou "de manière concertée" et en concluent que "s'agissant dès lors d'une précision qui se trouve dans le même article" (l'art. 23), on peut la considérer applicable "à la situation envisagée par le numéro 1 de l'article 23". 15(?)
Si la solution peut paraître logique au regard des objectifs poursuivis par le texte, l'argument est pour le moins surprenant.
En effet, l'article 23-3 concerne une situation tout à fait différente de celle visée à l'article 23-1, 16et notamment, il ne s'agit plus des interventions pendant la procédure d'offre qui seules nous intéressent ici. La précision apportée alors par l'article 23-3 et qui fait défaut à l'article 23-1, inciterait donc au contraire à penser que les membres du concert autres que l'initiateur ne sont pas concernés par l'interdiction d'intervenir sur le marché des titres de la cible en période d'offre publique d'échange ou mixte.
12. Lorsque la contrepartie offerte est mixte, le texte espagnol interdit encore expressément les interventions de l'initiateur sur le marché des titres de la cible.
13. Le droit français ne comporte pas de disposition spécifique à l'offre mixte, et l'article 5-2-27 du RGCBV, contrairement à son correspondant espagnol, ne vise que les seules offres d'échange, ou plus précisément, se trouve dans un paragraphe intitulé "Dispositions particulières aux offres publiques d'échange".
La disposition générale de l'article 5-2-4 trouve donc à s'appliquer. Elle dispose que lorsque l'offre initiale est une offre mixte, que ce soit parce qu'elle est alternative d'achat ou d'échange ou qu'il s'agisse d'une offre partie en titres partie en espèces, le caractère principal donné à l'opération déterminera l'application selon le cas des règles particulières applicables aux offres publiques d'achat ou de celles applicables aux offres publiques d'échange 11.
14. Le professeur VIANDIER en conclut 12que lorsqu'une offre d'achat est assortie d'une option subsidiaire d'échange, c'est bien le régime de l'offre publique d'achat qui s'applique, l'initiateur pouvant alors intervenir sur le marché des titres de la cible ou de ceux offerts en échange.
Mais la même solution semble devoir s'imposer en cas d'offre d'achat avec règlement partiel en titres.
15. Comme on a pu regretter l'absence de cohérence du droit espagnol qui autorise les interventions sur le marché des titres offerts en échange alors qu'il les interdit sur ceux visés par l'offre 13, on peut faire la même observation lorsque le droit français n'interdit les interventions sur le marché des titres de la cible et celui de ceux offerts en échange, que lorsque l'initiateur a donné à son offre mixte le caractère principal d'offre publique d'échange.
En effet, la mesure d'interdiction trouve sa justification dans le fait que l'intervention sur les titres concernés par l'offre en modifierait le prix sur le marché et altèrerait en conséquence la parité d'échange proposée.
Ce faisant, on peut considérer que c'est la contrepartie proposée elle-même qui serait modifiée par l'initiateur, puisque son offre est davantage faite d'une parité que d'un titre. Plus précisément, la contrepartie offerte n'est pas tant la valeur intrinsèque du titre proposé en échange que sa valeur relative proportionnelle à celle du titre visé.
Or, celle-ci pourrait se trouver diminuée par l'intervention de l'initiateur sur le marché alors cependant qu'il lui est interdit de modifier son offre à la baisse, qu'elle soit d'achat ou d'échange 14, conformément au principe d'irrévocabilité de l'offre publique.
Cette conséquence des interventions sur le marché est pourtant la même que l'on intervienne sur les titres offerts ou sur les titres visés, puisque ce qui importe n'est pas le cours des uns ou des autres mais le rapport existant entre eux.
De même en est-il dans l'hypothèse où les destinataires d'une offre alternative acceptent le titre offert en échange ou encore en cas d'offre partie en titres partie en espèces.
16. Par ailleurs, l'interdiction concerne en France l'initiateur "ainsi que les personnes qui agissent de concert avec lui" (article 5-2-27).
L'article 23-1 du décret-royal ne fait pas mention des personnes agissant de concert avec l'initiateur, mais seulement de celui-ci.
Certains auteurs remarquent que l'article 23-3 vise les acquisitions directes ou "de manière concertée" et en concluent que "s'agissant dès lors d'une précision qui se trouve dans le même article" (l'art. 23), on peut la considérer applicable "à la situation envisagée par le numéro 1 de l'article 23". 15(?)
Si la solution peut paraître logique au regard des objectifs poursuivis par le texte, l'argument est pour le moins surprenant.
En effet, l'article 23-3 concerne une situation tout à fait différente de celle visée à l'article 23-1, 16et notamment, il ne s'agit plus des interventions pendant la procédure d'offre qui seules nous intéressent ici. La précision apportée alors par l'article 23-3 et qui fait défaut à l'article 23-1, inciterait donc au contraire à penser que les membres du concert autres que l'initiateur ne sont pas concernés par l'interdiction d'intervenir sur le marché des titres de la cible en période d'offre publique d'échange ou mixte.
17. Lorsque l'offre publique est d'achat, le droit français interdit également à l'initiateur, dans quatre cas, d'intervenir sur le marché des titres de la société visée :
18. a. lorsqu'il s'est réservé la faculté de renoncer à son opération si les titres présentés en réponse à son offre n'atteignent pas un nombre minimum qu'il aurait fixé dans son projet d'offre (art. 5-2-23 du RGCBV) ; ce qui lui est cependant interdit en cas d'offre publique obligatoire (art. 5-4-1 al. 2 du RGCBV).
Le droit espagnol admet, mais en toutes circonstances, que l'initiateur se réserve cette même faculté dans les mêmes conditions (art. 15-II-d) du décret-royal) mais il reste libre d'intervenir sur le marché des titres visés s'il le souhaite.
19. b. lorsque son offre est limitée à une participation qui, compte tenu des titres qu'il détient déjà, ne lui confère pas plus de 10 % des titres de capital avec droit de vote ou 10% des droits de vote (art. 5-3-8 et 5-3-2 c) du RGCBV) ;
20. c. lorsque l'offre est présentée par la société cible elle-même dans le cadre du rachat de ses propres actions en application de l'article 17 de la loi du 24 juillet 1966 (art. 5-3-8 et 5-3-2 e) du RGCBV) ;
21. Dans ces deux derniers cas, l'article 5-3-8 du RGCBV ne dicte l'interdiction que lorsque l'initiateur présente son offre selon la procédure simplifiée 17.
En conséquence, dès lors que cette dernière n'est qu'une option pour l'initiateur, il pourra renoncer à en solliciter le bénéfice, et conduisant alors son opération selon la procédure normale d'OPA, il pourra intervenir librement sur le marché.
Mais il faut remarquer qu'aux termes de l'article 5-3-3 du RGCBV, le principe est que l'offre publique d'achat simplifiée est réalisée par achats sur le marché aux conditions fixées par l'avis d'ouverture de l'offre, sauf précisément dans les deux cas examinés ici 18.
Dans aucune de ces deux hypothèses d'OPA (simple participation ou rachat de ses propres actions), il n'est prohibé à l'initiateur d'intervenir sur le marché par la réglementation espagnole 19.
22. d. Enfin, l'initiateur qui s'est retiré de la compétition, n'est plus admis à intervenir sur le marché des titres visés pendant la durée des offres concurrentes. C'est du moins la position adoptée par la COB 20confortée par la doctrine la plus autorisée 21.
23. Le fondement juridique de cette interdiction est recherché dans l'article 3 alinéa 3 première phrase du règlement COB n. 89-03, selon lequel "la compétition que peut impliquer une offre publique s'effectue par le libre jeu des offres et de leurs surenchères". Le texte n'en dit pas davantage.
Or, il s'agit indiscutablement d'une atteinte à la liberté de contracter, d'acquérir. Il convient donc de se montrer attentif à ce que les textes qui prétendent protéger un ordre public, interdisent exactement le comportement considéré.
24. Tel compétiteur de l'OPA qui n'entendrait pas renoncer à la compétition mais chercherait seulement à jouer «hors jeu», pourrait être utilement interpellé sur le fondement de l'article 3 alinéa 3 du règlement COB n. 89-03.
Mais un initiateur qui abandonnerait effectivement la partie, souhaitant cependant acquérir des titres de la cible, n'apparait pas clairement concerné par ce texte. Il n'est plus «en lice».
25. Le départ entre les deux est chose subtile : volume des transactions, dates, effets provoqués, intentions établies ... Le seul critère pertinent au regard des exigences de l'article 3 alinéa 3 du règlement COB n. 89-03, devrait être relatif au but recherché, qui seul autorise légitimement à situer sur le terrain de la compétition le comportement analysé.
C'est d'ailleurs celui qui est retenu en droit espagnol pour interdire à l'organe d'administration de la société cible d'intervenir sur le marché de ses propres titres : ces interventions ne sont prohibées par l'article 14-1-b) du décret-royal du 26 juillet 1991 que pour autant qu'elles auraient pour "finalité de perturber (l'offre)".
Dans cette même hypothèse, le texte français prévoit que "dès le dépôt du projet d'offre, les dirigeants de la société visée ne peuvent accroître les participations d'auto-contrôle existant à cette date", sans introduire aucun élément subjectif qui conditionne la prohibition (art. 3 al. 3 2ème phrase).
Cette dernière est sans ambigüité. Celle de la première phrase du même texte l'est moins. Puisqu'elle fait état de la "compétition (qu'implique) une offre publique", ne faudrait-il pas en conclure que pour en rechercher l'application à des opérateurs intervenant hors OPA, il faudra rechercher s'ils prétendent faire la compétition aux initiateurs d'offres publiques ? Or, aucun fondement juridique ne semble autoriser à le présumer. Le présumerait-on, que la présomption ne saurait être irréfragable en l'absence de texte en ce sens.
26. Même lorsque le principe est de liberté (1), le comportement de l'initiateur demeure sous surveillance (2).
27. En dehors des hypothèses examinées ci-dessus, les réglementations française et espagnole laissent en principe l'initiateur libre d'intervenir sur le marché des titres des sociétés concernées par l'offre sans avoir à solliciter d'autorisation ni à procéder à déclaration préalable.
Le principe est expressément énoncé par le règlement général du Conseil des bourses de valeurs à l'article 5-2-23 : "Pendant la durée de son offre, l'initiateur ou les personnes qui agissent de concert avec lui sont autorisés à intervenir sur le marché des titres de la société visée ..." 22.
28. Non seulement l'intervention sur le marché est autorisée, mais en outre elle devient pour l'initiateur le seul procédé admis pour ses opérations hors OPA sur les titres de la cible.
L'article 5-2-18 du RGCBV exige en effet que pendant la durée de l'offre publique tous les ordres soient transmis sur le marché, et interdit les opérations de contrepartie sur blocs de titres.
L'alinéa 2 de ce texte ajoute que les applications d'ordres d'achat à des ordres de vente et les autres opérations de contrepartie 23ne sont autorisées qu'en séance de bourse et qu'elles sont rapportées au marché dès leur réalisation.
29. Cette volonté d'ouverture du marché en période d'OPA, faisant de celui-ci le lieu exclusif des opérations sur les titres visés, apparait clairement exprimée dans un communiqué du Conseil des bourses de valeurs du 22 novembre 1989 24. Le Conseil y clarifie certains points de son règlement général, à la suite de commentaires émanant des professionnels et observateurs relatifs au marché des titres de la Compagnie de Navigation Mixte, "pour tenir compte de l'évolution des techniques boursières."
Au vrai, en apportant des précisions sur la définition des applications, le Conseil fait une véritable déclaration de politique générale sur les interventions en période d'offre. Il évoque l'époque où en période d'OPA l'objectif des protagonistes comme des autorités de la bourse, visait plutôt à figer les situations et à empêcher le marché de fonctionner, avant de déclarer : "le Conseil des bourses de valeurs considère cette époque comme révolue. Il confirme sa volonté que le marché puisse s'exprimer pleinement en période d'OPA : le marché doit accueillir un maximum d'opérations. C'est le sens qu'il entend donner à l'article 5-2-20 25 (...«tous les ordres doivent être transmis sur le marché»...)."
30. Le communiqué conclut que le Conseil considère qu'en période d'OPA, seules les opérations ci-après doivent être interdites :
- les opérations hors la séance du marché continu
- les opérations de contrepartie ordinaire hors bourse
- les opérations de contrepartie de blocs.
31. On notera que l'article 5-2-17 du RGCBV fait état de la "période" d'offre alors que l'article 5-2-18 concerne la "durée" de l'offre, comme l'article 5-2-23 qui pose le principe de liberté d'intervention sur le marché.
Au vrai, cette liberté d'intervention est enfermée dans la durée de validité de l'offre 26 : entre l'avis de dépôt du projet d'offre qui ouvre la période d'offre, et la publication, ou la prise d'effet de l'avis de recevabilité, point de départ de la durée de l'offre, l'initiateur ne peut intervenir sur le marché du titre visé puisque sa cotation est suspendue. Cependant entre la clôture de l'offre, échéance de la durée de l'offre, et la publication de l'avis de résultat, qui met fin à la période d'offre, la liberté n'est pas totale. Les interventions de l'initiateur sur le marché du titre visé sont autorisées si la transaction est réalisée à un prix qui ne dépasse pas celui de l'offre (art.5-2-13 dernier al. du RGCBV).
32. Le décret-royal espagnol du 26 juillet 1991 ne comporte pas de déclaration du principe de libre intervention de l'initiateur sur le marché des titres visés semblable à celle qui figure à l'article 5-2-23 du RGCBV. Cependant, les termes de l'article 23-2 le consacrent implicitement en évoquant les conséquences de ces interventions sur le marché 27.
33. Ni les textes, ni la doctrine espagnols, ne distinguent dans la terminologie employée, période et durée de l'offre. On retrouve néanmoins les phases procédurales correspondantes puisqu'il existe un délai entre la présentation du projet et la publicité de l'offre, de même qu'entre la clôture de celle-ci et la publication de son résultat.
L'article 23-2 vise les acquisitions effectuées entre la présentation du projet à la Commission Nationale du Marché des Valeurs et la publication des résultats, ce qui en France serait la période d'offre, alors que l'article 5-2-23 du RGCBV énonce le principe de liberté d'intervention pendant la durée de l'offre.
Nous verrons ci-après les conséquences de la nuance au regard du prix d'offre. Observons seulement ici qu'elle tient essentiellement à ce que l'article 23-2 du décret-royal ne pose pas le principe de liberté d'intervention sur le marché, pas plus qu'il ne vise exclusivement ces interventions, et n'a donc pas à exclure de la période considérée certaines phases procédurales au cours desquelles ces interventions ne sont pas possibles.
Il en est ainsi de la période de suspension de la cotation des titres visés suivant la présentation du projet d'offre à la CNMV.
En revanche, aucune restriction à la liberté d'intervention n'est imposée entre la clôture de l'offre et la publication du résultat, semblable à celle de l'article 5-2-13 du RGCBV relative au prix.
Le principe est expressément énoncé par le règlement général du Conseil des bourses de valeurs à l'article 5-2-23 : "Pendant la durée de son offre, l'initiateur ou les personnes qui agissent de concert avec lui sont autorisés à intervenir sur le marché des titres de la société visée ..." 22.
28. Non seulement l'intervention sur le marché est autorisée, mais en outre elle devient pour l'initiateur le seul procédé admis pour ses opérations hors OPA sur les titres de la cible.
L'article 5-2-18 du RGCBV exige en effet que pendant la durée de l'offre publique tous les ordres soient transmis sur le marché, et interdit les opérations de contrepartie sur blocs de titres.
L'alinéa 2 de ce texte ajoute que les applications d'ordres d'achat à des ordres de vente et les autres opérations de contrepartie 23ne sont autorisées qu'en séance de bourse et qu'elles sont rapportées au marché dès leur réalisation.
29. Cette volonté d'ouverture du marché en période d'OPA, faisant de celui-ci le lieu exclusif des opérations sur les titres visés, apparait clairement exprimée dans un communiqué du Conseil des bourses de valeurs du 22 novembre 1989 24. Le Conseil y clarifie certains points de son règlement général, à la suite de commentaires émanant des professionnels et observateurs relatifs au marché des titres de la Compagnie de Navigation Mixte, "pour tenir compte de l'évolution des techniques boursières."
Au vrai, en apportant des précisions sur la définition des applications, le Conseil fait une véritable déclaration de politique générale sur les interventions en période d'offre. Il évoque l'époque où en période d'OPA l'objectif des protagonistes comme des autorités de la bourse, visait plutôt à figer les situations et à empêcher le marché de fonctionner, avant de déclarer : "le Conseil des bourses de valeurs considère cette époque comme révolue. Il confirme sa volonté que le marché puisse s'exprimer pleinement en période d'OPA : le marché doit accueillir un maximum d'opérations. C'est le sens qu'il entend donner à l'article 5-2-20 25 (...«tous les ordres doivent être transmis sur le marché»...)."
30. Le communiqué conclut que le Conseil considère qu'en période d'OPA, seules les opérations ci-après doivent être interdites :
- les opérations hors la séance du marché continu
- les opérations de contrepartie ordinaire hors bourse
- les opérations de contrepartie de blocs.
31. On notera que l'article 5-2-17 du RGCBV fait état de la "période" d'offre alors que l'article 5-2-18 concerne la "durée" de l'offre, comme l'article 5-2-23 qui pose le principe de liberté d'intervention sur le marché.
Au vrai, cette liberté d'intervention est enfermée dans la durée de validité de l'offre 26 : entre l'avis de dépôt du projet d'offre qui ouvre la période d'offre, et la publication, ou la prise d'effet de l'avis de recevabilité, point de départ de la durée de l'offre, l'initiateur ne peut intervenir sur le marché du titre visé puisque sa cotation est suspendue. Cependant entre la clôture de l'offre, échéance de la durée de l'offre, et la publication de l'avis de résultat, qui met fin à la période d'offre, la liberté n'est pas totale. Les interventions de l'initiateur sur le marché du titre visé sont autorisées si la transaction est réalisée à un prix qui ne dépasse pas celui de l'offre (art.5-2-13 dernier al. du RGCBV).
32. Le décret-royal espagnol du 26 juillet 1991 ne comporte pas de déclaration du principe de libre intervention de l'initiateur sur le marché des titres visés semblable à celle qui figure à l'article 5-2-23 du RGCBV. Cependant, les termes de l'article 23-2 le consacrent implicitement en évoquant les conséquences de ces interventions sur le marché 27.
33. Ni les textes, ni la doctrine espagnols, ne distinguent dans la terminologie employée, période et durée de l'offre. On retrouve néanmoins les phases procédurales correspondantes puisqu'il existe un délai entre la présentation du projet et la publicité de l'offre, de même qu'entre la clôture de celle-ci et la publication de son résultat.
L'article 23-2 vise les acquisitions effectuées entre la présentation du projet à la Commission Nationale du Marché des Valeurs et la publication des résultats, ce qui en France serait la période d'offre, alors que l'article 5-2-23 du RGCBV énonce le principe de liberté d'intervention pendant la durée de l'offre.
Nous verrons ci-après les conséquences de la nuance au regard du prix d'offre. Observons seulement ici qu'elle tient essentiellement à ce que l'article 23-2 du décret-royal ne pose pas le principe de liberté d'intervention sur le marché, pas plus qu'il ne vise exclusivement ces interventions, et n'a donc pas à exclure de la période considérée certaines phases procédurales au cours desquelles ces interventions ne sont pas possibles.
Il en est ainsi de la période de suspension de la cotation des titres visés suivant la présentation du projet d'offre à la CNMV.
En revanche, aucune restriction à la liberté d'intervention n'est imposée entre la clôture de l'offre et la publication du résultat, semblable à celle de l'article 5-2-13 du RGCBV relative au prix.
34. Si le principe est la liberté d'intervention sur le marché, il connait néanmoins certaines limites.
35. L'une d'entre elles, anecdotique, concerne la présentation d'une offre concurrente, qui entrainera, comme la présentation du projet d'offre initiale, l'application de l'article 5-2-1 relatif à la suspension de la cotation jusqu'à la publication de l'avis de recevabilité.
Cette interprétation est évidence, même si l'article 5-2-1 ne précise pas qu'il s'applique également aux offres concurrentes présentées après la publication de l'avis de recevabilité de l'offre initiale et après la reprise des cotations des titres visés 28.
Le confirme en effet l'article 5-2-15 du RGCBV qui, pour renseigner sur le sort des ordres de présentation des titres à l'offre antérieure en conséquence de la nouvelle offre, énonce : "la publication d'un avis de suspension des cotations en raison du dépôt d'un projet d'offre publique concurrente rend nuls et non avenus ..." .
Aucune disposition semblable ne figure au décret-royal de 1991, le texte qui prévoit la "révocation des déclarations d'acceptation antérieures" (art.34) 29ne comportant aucune disposition relative à la suspension de la cotation consécutive à la présentation de l'offre concurrente.
36. On rencontre surtout des limites dans les conditions d'intervention :
L'initiateur devra veiller à ce que ses interventions sur le marché en période d'offre ne révèlent pas une volonté de manipulation des cours ou, pour éviter des termes à connotation pénale 30, des comportements abusifs tendant à "créer une confusion dans l'esprit du public" 31, ou à "orienter artificiellement l'appréciation de l'offre par les détenteurs de titres (ou) de peser sur l'issue de l'offre" 32.
37. Cette prise en compte de la notion d'abus par les autorités de marché ne repose cependant sur aucun texte précis du chapitre V du RGCBV consacré aux OPA ni du décret-royal du 26 juillet 1991.
Ce dernier contient bien une disposition sur la question mais elle concerne l'attitude de : "l'organe d'administration de la société cible" 33qui devra s'abstenir d'effectuer directement ou indirectement des opérations sur les titres affectés par l'offre "dans le but de perturber celle-ci" 34.
L'initiateur n'est pas visé, et le texte, qui n'interdit pas les interventions sur le marché, introduit pour en apprécier la pertinence, un élément intentionnel, source de l'insécurité juridique que l'on sait.
La CNMV, en exécution des missions générales de "protection des investisseurs" et de la "correcte formation des prix sur les marchés" 35, opère cependant, pendant toute la durée de l'offre, des vérifications tendant à éviter des manipulations sur le marché 36.
38. En droit français, le règlement COB n. 89-03 pourrait constituer un fondement aux exigences des autorités boursières relatives aux conditions d'intervention de l'initiateur sur le marché des titres visés. L'article 3 alinéa 3 dispose en effet que la compétition que peut impliquer une offre publique, s'effectue par le libre jeu des offres et de leurs surenchères. Ce principe se trouverait altéré par des interventions massives de l'initiateur.
Mais ce texte semble limité à l'existence d'offres concurrentes, alors que la prudence dans les interventions sur le marché est exigée par les autorités de bourse, en toutes circonstances.
35. L'une d'entre elles, anecdotique, concerne la présentation d'une offre concurrente, qui entrainera, comme la présentation du projet d'offre initiale, l'application de l'article 5-2-1 relatif à la suspension de la cotation jusqu'à la publication de l'avis de recevabilité.
Cette interprétation est évidence, même si l'article 5-2-1 ne précise pas qu'il s'applique également aux offres concurrentes présentées après la publication de l'avis de recevabilité de l'offre initiale et après la reprise des cotations des titres visés 28.
Le confirme en effet l'article 5-2-15 du RGCBV qui, pour renseigner sur le sort des ordres de présentation des titres à l'offre antérieure en conséquence de la nouvelle offre, énonce : "la publication d'un avis de suspension des cotations en raison du dépôt d'un projet d'offre publique concurrente rend nuls et non avenus ..." .
Aucune disposition semblable ne figure au décret-royal de 1991, le texte qui prévoit la "révocation des déclarations d'acceptation antérieures" (art.34) 29ne comportant aucune disposition relative à la suspension de la cotation consécutive à la présentation de l'offre concurrente.
36. On rencontre surtout des limites dans les conditions d'intervention :
L'initiateur devra veiller à ce que ses interventions sur le marché en période d'offre ne révèlent pas une volonté de manipulation des cours ou, pour éviter des termes à connotation pénale 30, des comportements abusifs tendant à "créer une confusion dans l'esprit du public" 31, ou à "orienter artificiellement l'appréciation de l'offre par les détenteurs de titres (ou) de peser sur l'issue de l'offre" 32.
37. Cette prise en compte de la notion d'abus par les autorités de marché ne repose cependant sur aucun texte précis du chapitre V du RGCBV consacré aux OPA ni du décret-royal du 26 juillet 1991.
Ce dernier contient bien une disposition sur la question mais elle concerne l'attitude de : "l'organe d'administration de la société cible" 33qui devra s'abstenir d'effectuer directement ou indirectement des opérations sur les titres affectés par l'offre "dans le but de perturber celle-ci" 34.
L'initiateur n'est pas visé, et le texte, qui n'interdit pas les interventions sur le marché, introduit pour en apprécier la pertinence, un élément intentionnel, source de l'insécurité juridique que l'on sait.
La CNMV, en exécution des missions générales de "protection des investisseurs" et de la "correcte formation des prix sur les marchés" 35, opère cependant, pendant toute la durée de l'offre, des vérifications tendant à éviter des manipulations sur le marché 36.
38. En droit français, le règlement COB n. 89-03 pourrait constituer un fondement aux exigences des autorités boursières relatives aux conditions d'intervention de l'initiateur sur le marché des titres visés. L'article 3 alinéa 3 dispose en effet que la compétition que peut impliquer une offre publique, s'effectue par le libre jeu des offres et de leurs surenchères. Ce principe se trouverait altéré par des interventions massives de l'initiateur.
Mais ce texte semble limité à l'existence d'offres concurrentes, alors que la prudence dans les interventions sur le marché est exigée par les autorités de bourse, en toutes circonstances.
39. Quand elle est admise, l'intervention réalisée, pourra cependant entrainer des réactions de la réglementation affectant le prix de l'offre. C'est le cours pratiqué sur le marché qui déterminera l'éventuelle modification forcée de ce prix.
A) Les interventions à un cours supérieur au prix d'offre
40. Dès lors que l'initiateur sera admis à intervenir librement sur le marché des titres de la cible en cours d'offre, il est apparu nécessaire de rétablir l'égalité entre les actionnaires qui ont cédé sur le marché et ceux qui envisagent de proposer leurs titres en réponse à l'offre.
Le rétablissement de cette égalité est assuré par le relèvement automatique du prix d'offre au niveau du prix effectivement payé sur le marché, conformément aux dispositions de l'article 5-2-23 alinéa 2 du RGCBV d'une part, et de l'article 23-2 du décret-royal du 26 juillet 1991 d'autre part.
41. Mais le texte français fixe un minimum de relèvement automatique de 2%, quand bien même l'intervention sur le marché des titres de la cible aurait été faite à moindre prix et sur un nombre dérisoire de titres.
Sous prétexte de rétablir l'égalité, le règlement général du Conseil renverse donc l'inégalité au préjudice du cédant sur le marché et au profit du cédant dans l'OPA.
42. On pourrait remarquer que les premiers, connaissant le mécanisme, pouvaient ne pas céder sur le marché, et apporter leurs titres à l'offre, profitant du relèvement automatique de celle-ci d'un minimum de 2%.
Mais si le succès de l'OPA est conditionné à un minimum de titres apportés en réponse, les actionnaires qui ont apporté leurs titres à l'offre ne vendront pas, alors que ceux qui ont cédé sur le marché, auront profité de la hausse des cours liée à l'opération.
La remarque rappelle en outre la situation du «passager clandestin» 37 : les actionnaires qui ne céderaient pas leurs titres sur le marché à un prix supérieur au prix d'offre, en attendant un relèvement automatique de ce dernier, espèrent cependant que les autres n'agiront pas ainsi. Dans cette hypothèse en effet le relèvement automatique attendu ne se produirait point. Ils ne pourraient donc vendre qu'au prix de l'offre : chacun voudrait être le «passager clandestin» du relèvement automatique, c'est-à-dire en être bénéficiaire sans participer à son avènement.
Dès lors qu'en France l'offre doit obligatoirement viser l'intégralité des titres de la société cible, et eu égard à la valeur boursière non négligeable des sociétés cotées, le minimum de 2% du relèvement automatique se révèle moins anodin qu'il parait.
43. Cette augmentation forcée du prix offert par l'initiateur n'a pas sa justification dans le principe d'égalité entre actionnaires.
Certes, comme le souligne le professeur VIANDIER 38, "en celà les discussions antérieures sur le niveau du relèvement sont épargnées". Mais le juriste rechercherait-il le confort au prix de la liberté contractuelle et la sécurité juridique à laquelle il doit cependant aspirer ne pouvait-elle être assurée autrement ?
44. Au vrai, derrière le principe de liberté exprimé, les opérations de l'initiateur sur les titres visés, en cours d'offre, apparaissent suspectes, et la réglementation vise à en dissuader.
D'ailleurs, et bien que la réglementation espagnole s'efforce en la matière de respecter une stricte égalité, ne fixant aucun minimum de relèvement automatique, elle inclut cette règle dans l'article 23 du décret-royal, intitulé : "Limitations à la conduite de l'initiateur et modification automatique de l'offre".
La doctrine espagnole le présente sans détours parmi les limitations de l'action de l'initiateur 39. Certains auteurs vont même jusqu'à analyser les interventions de l'initiateur sur les titres de la cible en cours d'offre comme une "modification externe indirecte et implicite" de l'offre 40et estiment que par le relèvement automatique du prix d'offre "le décret-royal 1197/1991 (du 26 juillet 1991) s'oppose énergiquement à cette éventuelle conduite de l'initiateur".
45. Si le droit espagnol ne fixe aucun taux minimum de relèvement automatique, l'intervention de l'initiateur sur le marché, en cours d'offre, supprime ipso facto les "limites minimales et maximales" auxquelles pouvait être conditionnée l'offre.
En ce qui concerne la limite maximale, il n'en résulte aucune différence avec le droit français puisque celui-ci impose dès le début de l'opération l'offre totale. En revanche, la règle est spécifique au droit espagnol pour ce qui est de la limite minimale, puisque le droit français accepte qu'il en soit fixé une dans les procédures volontaires, sans que les interventions de l'initiateur sur le marché n'entrainent de conséquences à son sujet.
Sans doute est-ce encore le principe d'égalité entre actionnaires qui a guidé le législateur espagnol, car la suppression de la quantité minimale de titres fixée par l'initiateur pour que son offre ait une issue positive, condamne celle-ci au succès 41.
En conséquence, l'égalité sera non seulement de prix mais encore d'opportunité, car ceux qui n'auront pas cédé sur le marché au prix supérieur à celui de l'offre, sont assurés de céder, s'ils le souhaitent, dans la procédure d'offre et au même prix.
46. Le texte français (art. 5-2-23 al. 2 du RGCBV) vise spécialement "l'intervention sur le marché" réalisée "pendant la période d'offre", donc, après la publication de l'avis de recevabilité.
Le texte espagnol (art. 23-2 du décret-royal) vise toute acquisition, sans distinguer selon le procédé technique utilisé, qu'elle soit réalisée ou non sur le marché, de même qu'il comprend aussi la période entre le dépôt du projet d'offre et la décision de recevabilité.
En ce qui concerne cette période, il convient cependant de rappeler que l'article 13-3 du décret-royal autorise les acquisitions hors marché des titres visés, pendant le délai de suspension de la cotation consécutive au dépôt du projet auprès de la CNMV.
Le relèvement automatique de l'offre au niveau du prix payé hors offre pour les titres de la cible, interviendra donc, que les acquisitions aient eu lieu ou non sur le marché, avant ou après l'avis de recevabilité, dès lors qu'elles sont réalisées après le dépôt du projet d'offre.
Le rétablissement de cette égalité est assuré par le relèvement automatique du prix d'offre au niveau du prix effectivement payé sur le marché, conformément aux dispositions de l'article 5-2-23 alinéa 2 du RGCBV d'une part, et de l'article 23-2 du décret-royal du 26 juillet 1991 d'autre part.
41. Mais le texte français fixe un minimum de relèvement automatique de 2%, quand bien même l'intervention sur le marché des titres de la cible aurait été faite à moindre prix et sur un nombre dérisoire de titres.
Sous prétexte de rétablir l'égalité, le règlement général du Conseil renverse donc l'inégalité au préjudice du cédant sur le marché et au profit du cédant dans l'OPA.
42. On pourrait remarquer que les premiers, connaissant le mécanisme, pouvaient ne pas céder sur le marché, et apporter leurs titres à l'offre, profitant du relèvement automatique de celle-ci d'un minimum de 2%.
Mais si le succès de l'OPA est conditionné à un minimum de titres apportés en réponse, les actionnaires qui ont apporté leurs titres à l'offre ne vendront pas, alors que ceux qui ont cédé sur le marché, auront profité de la hausse des cours liée à l'opération.
La remarque rappelle en outre la situation du «passager clandestin» 37 : les actionnaires qui ne céderaient pas leurs titres sur le marché à un prix supérieur au prix d'offre, en attendant un relèvement automatique de ce dernier, espèrent cependant que les autres n'agiront pas ainsi. Dans cette hypothèse en effet le relèvement automatique attendu ne se produirait point. Ils ne pourraient donc vendre qu'au prix de l'offre : chacun voudrait être le «passager clandestin» du relèvement automatique, c'est-à-dire en être bénéficiaire sans participer à son avènement.
Dès lors qu'en France l'offre doit obligatoirement viser l'intégralité des titres de la société cible, et eu égard à la valeur boursière non négligeable des sociétés cotées, le minimum de 2% du relèvement automatique se révèle moins anodin qu'il parait.
43. Cette augmentation forcée du prix offert par l'initiateur n'a pas sa justification dans le principe d'égalité entre actionnaires.
Certes, comme le souligne le professeur VIANDIER 38, "en celà les discussions antérieures sur le niveau du relèvement sont épargnées". Mais le juriste rechercherait-il le confort au prix de la liberté contractuelle et la sécurité juridique à laquelle il doit cependant aspirer ne pouvait-elle être assurée autrement ?
44. Au vrai, derrière le principe de liberté exprimé, les opérations de l'initiateur sur les titres visés, en cours d'offre, apparaissent suspectes, et la réglementation vise à en dissuader.
D'ailleurs, et bien que la réglementation espagnole s'efforce en la matière de respecter une stricte égalité, ne fixant aucun minimum de relèvement automatique, elle inclut cette règle dans l'article 23 du décret-royal, intitulé : "Limitations à la conduite de l'initiateur et modification automatique de l'offre".
La doctrine espagnole le présente sans détours parmi les limitations de l'action de l'initiateur 39. Certains auteurs vont même jusqu'à analyser les interventions de l'initiateur sur les titres de la cible en cours d'offre comme une "modification externe indirecte et implicite" de l'offre 40et estiment que par le relèvement automatique du prix d'offre "le décret-royal 1197/1991 (du 26 juillet 1991) s'oppose énergiquement à cette éventuelle conduite de l'initiateur".
45. Si le droit espagnol ne fixe aucun taux minimum de relèvement automatique, l'intervention de l'initiateur sur le marché, en cours d'offre, supprime ipso facto les "limites minimales et maximales" auxquelles pouvait être conditionnée l'offre.
En ce qui concerne la limite maximale, il n'en résulte aucune différence avec le droit français puisque celui-ci impose dès le début de l'opération l'offre totale. En revanche, la règle est spécifique au droit espagnol pour ce qui est de la limite minimale, puisque le droit français accepte qu'il en soit fixé une dans les procédures volontaires, sans que les interventions de l'initiateur sur le marché n'entrainent de conséquences à son sujet.
Sans doute est-ce encore le principe d'égalité entre actionnaires qui a guidé le législateur espagnol, car la suppression de la quantité minimale de titres fixée par l'initiateur pour que son offre ait une issue positive, condamne celle-ci au succès 41.
En conséquence, l'égalité sera non seulement de prix mais encore d'opportunité, car ceux qui n'auront pas cédé sur le marché au prix supérieur à celui de l'offre, sont assurés de céder, s'ils le souhaitent, dans la procédure d'offre et au même prix.
46. Le texte français (art. 5-2-23 al. 2 du RGCBV) vise spécialement "l'intervention sur le marché" réalisée "pendant la période d'offre", donc, après la publication de l'avis de recevabilité.
Le texte espagnol (art. 23-2 du décret-royal) vise toute acquisition, sans distinguer selon le procédé technique utilisé, qu'elle soit réalisée ou non sur le marché, de même qu'il comprend aussi la période entre le dépôt du projet d'offre et la décision de recevabilité.
En ce qui concerne cette période, il convient cependant de rappeler que l'article 13-3 du décret-royal autorise les acquisitions hors marché des titres visés, pendant le délai de suspension de la cotation consécutive au dépôt du projet auprès de la CNMV.
Le relèvement automatique de l'offre au niveau du prix payé hors offre pour les titres de la cible, interviendra donc, que les acquisitions aient eu lieu ou non sur le marché, avant ou après l'avis de recevabilité, dès lors qu'elles sont réalisées après le dépôt du projet d'offre.
B) Les interventions à un cours inférieur ou égal au prix d'offre
47. Aucune des deux réglementations, française ou espagnole, ne contient de dispositions relatives à ces hypothèses. Ces dernières laissent entrevoir cependant, essentiellement en droit espagnol, des atteintes à l'égalité entre actionnaires.
a) Interventions au prix de l'offre
48. Si l'intervention de l'initiateur sur le marché des titres visés intervient au prix de l'offre, des difficultés apparaissent, essentiellement en droit espagnol :
49. a. Si l'initiateur a fixé un nombre minimal de titres présentés pour que l'offre ait une suite positive, ses interventions sur le marché peuvent nuire aux intérêts des acceptants, puisqu'elles pourraient provoquer l'échec de l'offre 42.
En France, il n'y aurait lieu de s'interroger sur ce point que dans les procédures d'offres volontaires, hypothèses dans lesquelles le comportement de l'initiateur serait incohérent. Encore que l'on puisse imaginer que la survenance d'événements significatifs nouveaux ou l'acquisition de nouvelles informations postérieurement à l'avis de recevabilité, puisse conduire l'initiateur à souhaiter l'échec de son offre volontaire. Il trouverait ainsi le moyen d'évader les dispositions sur l'irrévocabilité de l'offre.
Mais le problème apparait d'une manière plus aigüe en droit espagnol, dans les procédures d'offres obligatoires. En droit français, la question est réglée par l'article 5-4-1 alinéa 2 du RGCBV qui interdit alors la clause prévoyant la présentation nécessaire d'un nombre minimal de titres pour que l'offre ait une suite positive. La réglementation espagnole ne connait pas cette disposition. L'intervention sur le marché des titres visés, au prix de l'offre, en cours d'OPA, pourrait donc permettre de se soustraire à l'offre obligatoire en favorisant son échec
50. b. Si l'initiateur a fixé une limite maximale de titres visés, ses interventions sur leur marché, au prix de l'offre, entrainera une discrimination entre actionnaires, puisque les cédants sur le marché, contrairement aux acceptants de l'offre, ne seront pas soumis à réduction lorsque le nombre de titres déposés en réponse à l'offre excèdera la limite fixée.
Cette situation n'est plus envisageable en France depuis la réforme du règlement général du Conseil du 15 mai 1992 qui impose l'offre totale.
49. a. Si l'initiateur a fixé un nombre minimal de titres présentés pour que l'offre ait une suite positive, ses interventions sur le marché peuvent nuire aux intérêts des acceptants, puisqu'elles pourraient provoquer l'échec de l'offre 42.
En France, il n'y aurait lieu de s'interroger sur ce point que dans les procédures d'offres volontaires, hypothèses dans lesquelles le comportement de l'initiateur serait incohérent. Encore que l'on puisse imaginer que la survenance d'événements significatifs nouveaux ou l'acquisition de nouvelles informations postérieurement à l'avis de recevabilité, puisse conduire l'initiateur à souhaiter l'échec de son offre volontaire. Il trouverait ainsi le moyen d'évader les dispositions sur l'irrévocabilité de l'offre.
Mais le problème apparait d'une manière plus aigüe en droit espagnol, dans les procédures d'offres obligatoires. En droit français, la question est réglée par l'article 5-4-1 alinéa 2 du RGCBV qui interdit alors la clause prévoyant la présentation nécessaire d'un nombre minimal de titres pour que l'offre ait une suite positive. La réglementation espagnole ne connait pas cette disposition. L'intervention sur le marché des titres visés, au prix de l'offre, en cours d'OPA, pourrait donc permettre de se soustraire à l'offre obligatoire en favorisant son échec
50. b. Si l'initiateur a fixé une limite maximale de titres visés, ses interventions sur leur marché, au prix de l'offre, entrainera une discrimination entre actionnaires, puisque les cédants sur le marché, contrairement aux acceptants de l'offre, ne seront pas soumis à réduction lorsque le nombre de titres déposés en réponse à l'offre excèdera la limite fixée.
Cette situation n'est plus envisageable en France depuis la réforme du règlement général du Conseil du 15 mai 1992 qui impose l'offre totale.
b) Interventions en dessous du prix d'offre
51. Les observations faites ci-dessus concernent également cette dernière hypothèse. Mais en outre, ici, il y aura en toutes circonstances rupture d'égalité puisque cédants sur le marché et acceptants de l'offre ne percevront pas un même prix.
Ceux qui ont cédé sur le marché ont, bien sûr, accepté un prix moindre à celui de l'offre 43. Mais dans le cas inverse, où la réglementation intervient pour rétablir l'égalité en relevant automatiquement le prix d'offre, les acceptants postérieurs de l'offre auraient tout aussi bien pu céder sur le marché au prix supérieur des interventions 44.
52. Dans tous ces cas, les réglementations française et espagnole restent muettes. Il ne semble pas que la rupture d'égalité entre actionnaires ait attiré l'attention des autorités boursières, ni celle de la doctrine, à l'exception de quelques auteurs espagnols.
En ce qui concerne les interventions en dessous du prix d'offre, Jaime AGUILAR FERNANDEZ-HONTORIA 45explique le "silence de l'article 23" par le fait qu'il s'agit d'"un cas atypique et donc quelque peu hypothétique et improbable, dès lors qu'il n'est pas facile de comprendre la conduite de celui qui, disposant d'une offre à un certain prix, se défait de titres à un prix inférieur" 46.
Cependant, Carlos de CARDENAS SMITH 47estime au contraire qu'il faut regretter la liberté d'intervention de l'initiateur sur le marché des titres visés en cours d'offre, dans l'hypothèse d'offre partielle, en faisant justement remarquer qu'"il n'est pas insensé de penser que les destinataires de l'OPA pourraient être disposés à vendre hors OPA, même à un prix inférieur, afin de ne pas être soumis aux règles de prorata établies par le décret. C'est là précisément que se trouve un éventuel danger de discrimination entre les destinataires de l'OPA".
53. Conclusion. Sur bien des questions, le droit des offres publiques affiche clairement une volonté dirigiste. Mais à l'endroit des interventions de l'initiateur sur le marché ou de la fixation du prix d'offre, il a un souci évident de préserver le principe de liberté.
Et malgré ce, les interdictions pures et simples d'intervenir sur le marché des titres concernés ne sont nullement marginales ; dans les hypothèses où elles sont autorisées à l'initiateur, ses interventions demeurent en outre sous un contrôle supérieur à celui qu'abritent les mécanismes boursiers de droit commun ; enfin, lorsqu'elles satisfont ce contrôle, elles sont encore corrigées par des mesures relatives au prix d'offre, qui peuvent apparaître comme la sanction de comportements autorisés.
Comme si les réglementations spéciales visant à sauvegarder un ordre public déterminé se trouvaient prisonnières de leur propre logique et incapables de s'affranchir sans embarras de l'interventionnisme qui les porte et les justifie, la liberté voulue, d'exceptions franches en limites subtiles, parvient difficilement à dominer.
Ceux qui ont cédé sur le marché ont, bien sûr, accepté un prix moindre à celui de l'offre 43. Mais dans le cas inverse, où la réglementation intervient pour rétablir l'égalité en relevant automatiquement le prix d'offre, les acceptants postérieurs de l'offre auraient tout aussi bien pu céder sur le marché au prix supérieur des interventions 44.
52. Dans tous ces cas, les réglementations française et espagnole restent muettes. Il ne semble pas que la rupture d'égalité entre actionnaires ait attiré l'attention des autorités boursières, ni celle de la doctrine, à l'exception de quelques auteurs espagnols.
En ce qui concerne les interventions en dessous du prix d'offre, Jaime AGUILAR FERNANDEZ-HONTORIA 45explique le "silence de l'article 23" par le fait qu'il s'agit d'"un cas atypique et donc quelque peu hypothétique et improbable, dès lors qu'il n'est pas facile de comprendre la conduite de celui qui, disposant d'une offre à un certain prix, se défait de titres à un prix inférieur" 46.
Cependant, Carlos de CARDENAS SMITH 47estime au contraire qu'il faut regretter la liberté d'intervention de l'initiateur sur le marché des titres visés en cours d'offre, dans l'hypothèse d'offre partielle, en faisant justement remarquer qu'"il n'est pas insensé de penser que les destinataires de l'OPA pourraient être disposés à vendre hors OPA, même à un prix inférieur, afin de ne pas être soumis aux règles de prorata établies par le décret. C'est là précisément que se trouve un éventuel danger de discrimination entre les destinataires de l'OPA".
53. Conclusion. Sur bien des questions, le droit des offres publiques affiche clairement une volonté dirigiste. Mais à l'endroit des interventions de l'initiateur sur le marché ou de la fixation du prix d'offre, il a un souci évident de préserver le principe de liberté.
Et malgré ce, les interdictions pures et simples d'intervenir sur le marché des titres concernés ne sont nullement marginales ; dans les hypothèses où elles sont autorisées à l'initiateur, ses interventions demeurent en outre sous un contrôle supérieur à celui qu'abritent les mécanismes boursiers de droit commun ; enfin, lorsqu'elles satisfont ce contrôle, elles sont encore corrigées par des mesures relatives au prix d'offre, qui peuvent apparaître comme la sanction de comportements autorisés.
Comme si les réglementations spéciales visant à sauvegarder un ordre public déterminé se trouvaient prisonnières de leur propre logique et incapables de s'affranchir sans embarras de l'interventionnisme qui les porte et les justifie, la liberté voulue, d'exceptions franches en limites subtiles, parvient difficilement à dominer.
1 En France, le Conseil des marchés financiers (CMF) qui, aux termes de l'art. 98 de la loi n. 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, exerce désormais les compétences qui étaient dévolues à l'ancien Conseil des bourses de valeurs (CBV) auquel il se substitue. En Espagne, la Commission nationale du marché des valeurs (CNMV).
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2 Aux termes de l'article 106 de la loi du 2 juillet 1996, le règlement général du Conseil des bourses de valeurs demeure applicable. A ce jour, il n'a pas été modifié. Nous conservons donc ici l'appellation RGCBV malgré la substitution du CMF au CBV.
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3 A. VIANDIER, OPA, OPE, garantie de cours, retrait., Litec, 2° éd., 1993, n. 1005 : "la durée de validité ne doit pas être confondue avec la période d'offre".
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4 Le mot espagnol "acuerdo" a le double sens d'«accord» et de «décision» ou tout au moins est-ce le mot employé pour certains types de décisions, par ex. les délibérations sociales. Il a le sens de décision notamment lorsqu'il est improprement utilisé comme ici en dehors de tout contexte contractuel, et qu'il n'exprime, ni un échange des consentements, ni l'accession à une requête.
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5 V. A. VIANDIER, op. cit., n. 665 : "la SBF dispose là d'un pouvoir propre, si l'on peut d'ailleurs parler de «pouvoir» puisque le règlement général ne lui laisse aucun choix".
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6 Cf. J. R. del CAÑO PALOP, Supervisión por la Comisión Nacional del Mercado de Valores de las ofertas públicas de adquisición, dans, La lucha por el control de las grandes sociedades, éd. Deusto, Bilbao, 1992, p. 218 : "Il est nécessaire de préciser qu'il ne s'agit pas d'une faculté que la Commission pourra exercer d'une manière libre, mais au contraire une fois présentée l'offre, elle doit nécessairement procéder à accorder (décider) ladite suspension". V. aussi A. J. TAPIA HERMIDA, Suspensión de la negociación de los valores, dans, Régimen jurídico de las ofertas públicas de adquisición, CDBB, 1993, T. 1, p. 362 : "la décision de suspension conservatoire prévue à l'article 13 du décret-royal se caractérise, face au régime général de suspension de la négociation prévu par l'article 33 de la loi sur le marché des valeurs, par son caractère impératif pour la CNMV ...".
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7 Ordres (Colegios) des notaires ou des courtiers de commerce (corredores de comercio). Ces courtiers sont également habilités à établir des actes authentiques en matière commerciale.
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8 V. C. de CARDENAS SMITH, Régimen jurídico de las ofertas públicas de adquisición, éd. Civitas, Madrid, 1993, p. 99.
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9 Pour un aperçu de la procédure espagnole d'offre publique, cf. P. ALFREDO, La réglementation espagnole des OPA, Gaz. Pal., 1993 (2° sem.), doctr., p. 876.
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10 qui interdit également, ce que ne fait point le texte espagnol, les interventions sur le marché des titres proposés en échange s'ils sont cotés, et d'une manière générale, sur le marché des titres des sociétés concernées par l'OPA. On comprend mal que le texte espagnol limite l'interdiction aux seuls titres de la cible car, comme le remarque A. VIANDIER, "la manipulation des cours n'est pas loin lorsque l'on agit sur le titre remis en échange", op. cit., n. 1072.
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11 Cette disposition est conforme aux solutions du droit commun. Cass. civ. III, 26 juin 1978, bull. civ. III, n. 436 : "il n'y a pas contrat d'échange lorsque l'importance de la soulte permet de la considérer comme l'objet principal de l'obligation d'une des parties."
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12 Op. cit., n. 1073.
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13 Cf. supra, note n. 10.
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14 En ce qui concerne les OPE, le RGCBV est ambigu, l'article 5-2-25 disposant : "l'initiateur d'une offre publique d'échange a la faculté de modifier les termes de son offre jusqu'à la clôture de celle-ci" sans préciser que cette modification ne peut être qu'en faveur des actionnaires de la société visée, et l'article 5-2-26 du RGCBV, qui contient une disposition en ce sens, ne concerne que l'hypothèse où il y a concurrence. Mais admettre des modifications à la baisse apparaîtrait incompatible avec le principe d'irrévocabilité proclamé par l'article 5-2-1 pour toute offre publique et confirmé pour les OPE par les termes du dernier al. de l'art. 5-2-5.
Le texte espagnol en revanche est sans ambigüité aucune : "on pourra modifier les caractéristiques de l'offre ... à condition que cette révision implique un traitement plus favorable pour les destinataires de l'offre ...".
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15 J. AGUILAR FERNANDEZ-HONTORIA Limitación de la actuación del oferente y modificación automática de la oferta, dans, Régimen jurídico de las Ofertas públicas de adquisición, CDBB, 1993, p. 500.
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16 L'art. 23-3 interdit à l'initiateur d'acquérir des titres de la cible sur le marché dans un délai de six mois suivant la publication du résultat positif de son offre publique partielle. Pendant ce délai, il ne pourra plus en effet acquérir de titre complémentaire que par OPA.
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17 Mais le texte interdit "toute intervention sur le marché pendant la durée de l'offre" sans plus faire référence au "marché des titres de la société visée".
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18 Ainsi que dans le cas d'une offre visant des certificats d'investissement ou des certificats de droit de vote.
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19 Précisons toutefois qu'il n'y a pas en Espagne de procédure simplifiée.
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20 Rapport annuel 1979, p. 83.
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21 A. VIANDIER, op. cit., n. 1077.
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22 Sous réserve d'en informer la Société des bourses françaises chaque jour après la séance de bourse (art. 22 du règlement COB n. 89-03 ; art. 5-2-19 ss. du RGCBV).
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23 V. le nouveau régime des applications et des contreparties, résultant des modifications apportées au RGCBV par arrêté portant homologation du 28 juillet 1994 (art. 4-7-2 à 4-7-5, 6-1-12, 6-3-1 à 6-3-3 du RGCBV) ; v. aussi, F. PELTIER, Nouvelles dispositions relatives aux applications, à la contrepartie d'actions et aux opérations portant sur des blocs structurants, Banque et Droit, n. 37, sept-oct. 1994, p. 24.
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24 Publiant in extenso le relevé des conclusions de la séance du 21 nov. 1989.
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25 Aujourd'hui 5-2-18.
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26 Si on distingue la période d'offre et la durée de validité de l'offre (Cf. supra n. 6), il arrive que les textes utilisent l'expression "période de validité d'une offre" (art. 5-2-10 al. 4). L'article 5-2-18 indique seulement quant à lui "la durée de l'offre" (al. 1, 3 et 4).
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27 Plus exactement, le texte vise les "acquisitions" des titres visés, sans faire spécialement état des interventions sur le marché. Sans exclusive expresse, on peut cependant penser que ces acquisitions peuvent être réalisées par intervention sur le marché.
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28 Qui intervient en principe deux jours de bourse après la publication de l'avis de recevabilité (art. 5-2-8 du RGCBV).
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29 On notera que le règlement français prévoit la nullité de plein droit des ordres de présentation antérieurs, alors que le décret-royal n'ouvre qu'une option de révocation en faveur de leurs auteurs.
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30 Le délit de manipulation des cours comportant des éléments constitutifs qui ne sont pas exigés ici puisque l'article 10-3 de l'ordonnance du 28 sept. 1967 exige une "manoeuvre".
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31 Rapport COB, 1980, p. 90, Comp. le texte relatif au délit de manipulation des cours qui emploie une expression similaire : "... en induisant autrui en erreur" (art. 10-3 ord. 26 sept. 1967).
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32 Bull. COB, n. 230, nov. 1989 ; Dictionnaire permanent épargne et produits financiers, OPA-OPE-Négociation de blocs, n. 38.
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33 On considère que sont également concernés les administrateurs eux-mêmes. Cf. L. de CARLOS BELTRAN et C. de CARDENAS SMITH, Obligaciones de información del órgano de administración de la sociedad afectada y limitaciones a su actuación durante una OPA, RDBB, avril-juin 1992, p. 523.
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34 Art. 14-1-b). Ce texte s'inscrit dans un dispositif semblable à celui de l'al. 2 de l'art. 3 du règl. COB 89-03 qui limite aux actes de gestion courante, sauf information de la COB, les pouvoirs des dirigeants des sociétés concernées (v. aussi al. 3).
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35 Art. 13 de la loi sur le marché des valeurs.
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36 P. ex. OPA de la Compañía vinícola del norte de España sur la société Bodegas Bilbaínas (juillet 1991) : pendant la durée de l'offre, l'initiateur demanda à la CNMV de suspendre la cotation, car il estimait qu'il pouvait y avoir une manipulation du prix des actions de la société cible, dont le cours dépassait le niveau du prix d'offre ; v. M. FUERTES, La supervisión objetiva de la Comisión Nacional del Mercado de Valores, RDBB, n. 49, janv.-mars 1993, p. 7 ss., spéc. p. 39.
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37 V. B. HUSSON, La prise de contrôle d'entreprises, PUF, 2 e éd. 1990, p. 163 ss. ; J.P. THUILLIER, OPA, fusions et acquisitions, éd. Dunod, 1992, p. 67.
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38 Op. cit., n. 1032.
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39 C. de CARDENAS SMITH, Régimen jurídico de las ofertas públicas de adquisición, éd. Civitas, 1993, p. 121, sous le titre "Limitation de la conduite de l'initiateur", expose ce relèvement automatique du prix d'offre après l'introduction suivante : "L'article 23 du décret comprend trois cas dans lesquels on limite la capacité d'agir de la société initiatrice (en fait de l'initiateur) pendant et même après une OPA", mettant ainsi ce mécanisme au même rang que l'interdiction d'intervenir sur le marché en cours d'OPE.
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40 J. AGUILAR FERNANDEZ-HONTORIA, Limitación de la actuación del oferente y modificación automática de la oferta, dans, Régimen jurídico de las ofertas públicas de adquisición, CDBB, Madrid, 1993, vol. II, p. 495 ss., spéc. p. 501.
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41 J. AGUILAR FERNANDEZ-HONTORIA, (art. cit.) voit dans cette règle un "caractère de sanction évident", ce qui confirme la tendance de la doctrine espagnole à considérer qu'il ne s'agit pas tant de rétablir l'égalité entre actionnaires que de réprouver les interventions de l'initiateur, sur le marché des titres visés, en cours d'offre.
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42 Des auteurs font en outre justement observer que, quel que soit le prix d'intervention de l'initiateur sur le marché des titres visés pendant une procédure d'offre dont le succès est conditionné à l'acquisition d'un nombre minimum de titres, une discrimination entre destinataires de l'offre découlerait nécessairement du résultat négatif de l'offre. Cf. J. FERNANDEZ ARNESTO et L. de CARLOS, El derecho del mercado financiero, éd. Civitas, Madrid, 1992 ; C. de CARDENAS SMITH, Régimen jurídico de las ofertas públicas de adquisición, éd. Civitas, Madrid, 1993, p. 122.
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43 Encore fallait-il qu'ils soient attentifs à l'information financière.
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44 L'observation a bien entendu ses limites puisque si la démarche était adoptée massivement, elle entrainerait un effondrement des cours.
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45 Art. cit., p. 504.
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46 Cet auteur précise cependant que cette situation peut exister en raison d'une méconnaissance du marché ou d'une relation complexe avec l'initiateur, comprenant d'autres relations qui compensent le moindre prix.
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47 Op. cit., p. 122.
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